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Equipe Nationale Info
6 février 2010

Abderrahmane Bergui, ancien arbitre international

"Des dirigeants de club sont à l’origine directe de la violence"

Responsabilité des dirigeants de club, anarchie dans la gestion des rencontres, corruption des arbitres : Abderrahmane Bergui, ancien arbitre international et président de l’association Ouled El Houma, vide son sac sur les raisons de la violence dans les stades et propose des solutions radicales.

- Beaucoup de rencontres de la division I de football, voire de la division II, ont été marquées cette saison par des scènes de violence et de dérapages, quelquefois tragiques. Quelle analyse faites-vous de ce phénomène qui a pris des proportions très inquiétantes ces derniers temps ?

- La chose qui me paraît à la fois bizarre et inquiétante cette année, c’est que la violence a débuté en début de saison. Cela n’est aucunement le fait du hasard. Il faut reconnaître que nous n’avons pas accordé suffisamment d’importance à la montée de la violence dans nos stades. C’est par manque de responsabilité que nous constatons aujourd’hui, avec une impuissance avérée, cette montée incontrôlable de la violence qui a gangrené notre football. Il faut admettre dans la foulée que le phénomène a atteint un stade inquiétant. Il y a eu mort d’homme, et ce n’est pas avec des slogans que l’on peut apporter les solutions nécessaires.

- Parlons justement des causes. Vous êtes connu sur la scène sportive en tant qu’arbitre international d’abord, mais aussi dans la vie associative en tant que président de l’association Ouled El Houma. Selon vous, comment en est-on arrivé à cette situation qui menace de devenir incontrôlable ?

- Les causes sont multiples. Citons d’abord les cercles d’influence qui gravitent ces dernières années autour de notre football. Acceptons d’abord le fait que ce sport est devenu un phénomène de société influent, dont l’enjeu financier est considérable. Tous les moyens sont bons, pourvu que l’on remporte la mise. Mais cet enjeu financier n’est aucunement la seule cause de la violence. En toile de fond, certains dirigeants de club s’affairent à rajouter de l’huile sur le feu par des déclarations incendiaires. Ces déclarations, rapportées à chaud par la presse, sont de nature à influer directement et négativement sur les jeunes supporters. Il faudra que l’on mette un terme à l’influence de certains dirigeants qui font des clubs un bien personnel et utilisent le football à des fins autres que celles que nous connaissons. Les autorités doivent agir maintenant fermement et arrêter une stratégie claire. Enfin, les rencontres de football sont gérées de façon complètement anarchique. Le stadier, à titre indicatif, ne connaît même pas son vrai rôle et se met quelquefois à agresser et à insulter les arbitres, les supporters et les journalistes. Résultats de cette anarchie : des supporters accèdent aux stades armés de couteaux et autres objets prohibés. Il faut déterminer aussi, à travers des textes clairs, le rôle et le statut des comités de supporters. Car par manque de responsabilité, nous sommes amenés aujourd’hui à constater et à vivre l’émergence d’une violence inquiétante dans nos stades.

- Plusieurs observateurs et spécialistes accusent directement l’arbitrage. Qu’en pensez-vous ?

- Il y a deux ans, j’ai moi-même attiré l’attention des autorités concernées sur la situation de l’arbitrage. Il est géré de l’extérieur par des cercles et des personnes très influentes. Il faut faire le distinguo entre l’arbitrage et la gestion de l’arbitrage, car il est nécessaire de reconnaître que nous avons des arbitres d’une qualité incontestée et incontestable. Néanmoins, il faut reconnaître également qu’il existe des gens qui polluent l’environnement sportif et qui, par leurs moyens financiers, ont réussi à faire tomber certains arbitres dans le piège de la corruption. La responsabilité n’incombe pas uniquement aux arbitres, mais aussi à ces cercles d’influence et à leurs intermédiaires. Tout le monde est au courant de ce qui se passe dans le milieu de l’arbitrage, mais la chose a été prise à la légère pen passe actuellement dans les divisions inférieures est beaucoup plus grave que ce que l’on peut imaginer. Et souvent, lorsqu’un arbitre accède aux divisions supérieures, celui-ci garde les mêmes comportements. Pour mettre fin à ces pratiques, je crois qu’il est nécessaire de protéger l’arbitre et fermer les portes de certaines institutions gestionnaires du milieu footballistique aux dirigeants de club. Nous avons besoin aujourd’hui de responsables capables de faire appliquer la loi, car l’autorité censée mettre de l’ordre dans la maison manque, ce qui justifie l’anarchie actuelle dans laquelle s’est embourbé notre football. Ce sport a perdu ses valeurs au profit du gain et de l’argent.

- Faut-il alors contrôler l’argent des clubs ? Les autorités ont pourtant cette mission de contrôler le budget de l’Etat…

- Ecoutez, il existe des lois et des textes qui sont clairs, et je crois que nous sommes bien en retard en la matière. Nous sommes en train de constater à travers le monde que les clubs sportifs ont l’obligation de justifier leurs revenus et dépenses. Cela pourrait être un élément parmi d’autres pour asseoir une bonne gestion des clubs en Algérie. Je ne suis pas en train de dire qu’il y a malversation au niveau des clubs, mais à mon avis tout doit être contrôlé.

- Vous être membre d’une commission interministérielle chargée de lutter contre la violence dans les stades. Quels sont, selon vous, les moyens capables d’endiguer ce phénomène ?

- Il faudra impérativement s’attaquer aux origines du mal et non à ses effets. La commission a travaillé et entend soumettre son rapport aux autorités concernées. Les premières mesures devront éventuellement intervenir à compter de la saison prochaine. Il y a aujourd’hui une prise de conscience effective de la gravité de la situation. Mais il ne faut surtout pas s’arrêter au stade de la sensibilisation. Les dirigeants de club sont appelés, eux aussi, à être plus responsables dans leurs comportement et déclarations.

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